[MUSIQUE] [MUSIQUE] Comme vous avez pu le constater avec les épisodes précédents, le développement d'un monde bas carbone implique un nombre important de transformations qui vont impacter l'activité de l'ensemble des entreprises. Christina Stuart vous a expliqué comment réduire son empreinte carbone et sa dépendance aux énergies fossiles. Dans cet épisode, nous aborderons davantage l'angle business et une réflexion sur l'offre et la demande dans un monde sous contrainte énergétique et carbone. L'humanité dispose d'un budget carbone qui doit se répartir entre les différents secteurs de l'économie. Il est donc possible de connaître les émissions des secteurs économiques dans le futur pour rester sous deux degrés et d'analyser comment cela impactera les activités. Tout le monde ne pourra pas émettre autant de gaz à effet de serre et dans les mêmes proportions qu'aujourd'hui. Les entreprises doivent donc se poser la question quelles seront mes contraintes d'ici 10 ans, 20 ans, en termes d'émission et où seront les marchés. À partir de ces modélisations, on peut entamer une réflexion stratégique pour l'entreprise. Ce travail consiste à projeter l'activité actuelle d'une entreprise dans des mondes différents que nous appelerons scénarios pour en comprendre les conséquences business. Cette approche est efficace pour capturer de façon exhaustive des évolutions qui peuvent sembler complexes en interactions les unes par rapport aux autres, comme le changement climatique peut l'incarner. Prenons trois exemples de scénarios qui représentent des trajectoires d'évolutions souhaitables ou non pour les entreprises. Un premier scénario, c'est le business as usual ou destruction as usual. Ce scénario servira de point de comparaison avec les autres projections bien que l'on sache que cette trajectoire tendancielle n'est pas soutenable. Ce constat d'une trajectoire as usual menant à une impasse est par exemple étayé par le rapport Meadows. Deux scénarios viennent en complément, décrivant chacun des chemins de transition bas carbone différents. Il est relativement aisé de définir les objectifs globaux de réduction des émissions en phase avec l'accord de Paris. Par contre, les chemins pour y arriver peuvent être très différents et avoir des conséquences très différentes sur les activités d'une entreprise. Pour obtenir les scénarios, on va définir un narratif qualitatif à partir de plusieurs paramètres structurants pour l'entreprise. Il faut que le narratif soit cohérent et plausible. Par exemple, on ne peut pas avoir une société sobre énergétiquement avec un développement conséquent du numérique et de l'IT. Ces paramètres peuvent être l'environnement réglementaire, comment les lois vont évoluer en fonction des attentes sociétales, la politique énergétique, quelle intensité carbone des énergies, quelle consommation annuelle d'énergies primaires, le mode de gouvernance politique, démocratique ou centralisé ou également pour les technologies, est-ce que les technos vont permettre de réduire l'impact environnemental, est-ce qu'elles vont s'accroître? On va ensuite poser des hypothèses sur l'évolution de ces paramètres au regard du narratif. On peut ainsi définir un premier scénario, le scénario techno optimiste. Je vous le résume. La transition socio-environnementale repose principalement sur des innovations technologiques qui alimentent la croissance du PIB, tout en diminuant significativement les impacts sur l'environnement. Ce scénario peut être considéré comme plausible dans certaines géographies, sans pour autant être soutenable à l'échelle globale. Un autre scénario pourrait être celui de la régulation et de la sobriété. La transition socio-environnementale est fondée sur la résilience grâce à l'évolution sociale et sociétale axée sur de nouveaux objectifs de prospérité dont la croissance du capital social et de la confiance. La consommation se concentre sur des biens essentiels. Les régulations sont très fortes pour faire décroître les émissions et relocaliser l'économie. Il va découler de ces analyses une série de conséquences pour l'entreprise en termes de marchés et d'approvisionnement. Les impacts sur ces marchés et sur ces capacités à y répondre peuvent être quantifiés pour identifier des marchés porteurs ou au contraire des marchés qui ne sont pas soutenables dans un monde deux degrés. Ces scénarios peuvent très différents par géographie. L'idée n'est pas de sortir une boule de cristal pour deviner, mais bien de poser un cadre cohérent et d'en explorer les conséquences pour l'entreprise. Un bon scénario est un scénario qui permet à l'entreprise de réfléchir à sa stratégie, d'anticiper des risques et des opportunités, et d'agir en conséquence ou se préparer à agir. Après la théorie, passons à la pratique avec notre exemple d'entreprise Éco-Rénov. L'analyse ici est très simplifiée, mais l'idée est de vous montrer le raisonnement. Dans le scénario techno optimiste, pour enrayer l'artificialisation des sols, les villes décident de se développer de manière verticale. Les zones urbaines se resserrent et la densité de population augmentent de manière spectaculaire. Les inégalités sociales augmentent à l'intérieur même des villes, entraînant un phénomène de ghettoïsation. Les nouveaux bâtiments construits utilisent le meilleur de la technologie en matière d'économie d'énergie et deviennent intelligents. Pour l'entreprise, cela va se traduire par une poursuite des ses activités de rénovation, mais avec des produits plutôt haut de gamme et technologiques, car seules les populations aisées pourront rénover. Dans le scénario sobriété, le modèle d'habitation est remis en question. Croisé avec les nouvelles formes de travail, une partie importante de la population fait le choix de rejoindre des petites villes avec des habitats partagés où ils peuvent également travailler. La politique énergétique se décentralise et la demande baisse drastiquement. Le cadre réglementaire s'est affermi pour atteindre les objectifs climat. En termes d'impact pour notre entreprise, elle doit se positionner sur de nouveaux marchés comme l'habitat, qu'elle ne maîtrisait pas jusqu'à présent. C'est une opportunité importante, car la rénovation naturelle est favorisée aux dépens de la rénovation technologique. Les fournisseurs de l'entreprise étant très éloignés et les produits trop intenses en carbone, elle doit réfléchir à trouver un fournisseur plus proche, voire à l'intégrer directement dans l'entreprise. L'ambition de ce genre d'approche est indépendante de la volonté de l'entreprise à participer activement à une baisse des émissions mondiales. Elle doit cependant, par exemple par une approche par scénarios, anticiper les risques et opportunités liés à une volonté sociétale de faire baisser les émissions où une contrainte énergétique qui serait subie. [MUSIQUE] [MUSIQUE]