[MUSIQUE] [MUSIQUE] Alain Grandjean et Alexandre Florentin vous ont présenté les causes et les conséquences du changement climatique. Notre modèle de développement basé sur des énergies fossiles nous impose et nous expose à des changements physiques et socioéconomiques. Alexandre a commencé à vous donner des exemples de questions qui se posent pour les entreprises : Comment contribuer activement à la baisse des émissions et la régénération des écosystèmes? À quoi vont ressembler mes produits et services de demain? Comment se préparer à un climat qui change déjà? Concentrons-nous principalement sur la première question, qu'on pourrait résumer de la manière suivante : Comment une entreprise peut-elle être alignée avec l'accord de Paris? Beau défi. On va y aller par étape. Alain vous a parlé du budget carbone et du cas de la France. Élargissons le champ de la réflexion à ce qu'on appelle la neutralité carbone. On entend de plus en plus d'entreprises ou de produits se dire neutres en carbone, et l'accord de Paris explicite l'atteinte de la neutralité comme objectif global. Pour comprendre la neutralité carbone au niveau mondial, prenons la métaphore de la baignoire. Si l'atmosphère est une baignoire, lorsque l'on brûle des énergies fossiles, on ouvre le robinet, qui fait remplir la baignoire avec du carbone. L'ensemble des puits de carbone, océans et biomasses constitue le siphon qui permet de retirer du carbone de l'atmosphère. On peut découper ce siphon en deux parties : le siphon naturel, qui a lieu sans l'action de l'humanité, donc l'océan et les terres non-gérées par l'humain ; et le siphon anthropique, donc les terres gérées. C'est celui-là qu'il faut augmenter. Au niveau de la planète, la mission de l'humanité est simple sur le papier : réduire le débit du robinet et augmenter le siphon pour que le niveau dans la baignoire ne dépasse pas un certain seuil. En termes plus techniques, il nous faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre et régénérer les puits de carbone, pour ne pas dépasser une certaine concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et éviter un dérèglement climatique qui pourait être très difficile à gérer. Rappelons-nous des ordres de grandeur mondiaux pour la neutralité mondiale. Il faut réduire nos émissions de 80 % d'ici 2050 et équilibrer nos émissions et nos absorptions. Quel peut être le rôle d'une entreprise pour contribuer à cette neutralité, et donc au respect de l'accord de Paris? Ce rôle se décline en trois piliers : fermer le robinet, donc baisser drastiquement ces émissions ; aider à fermer les robinets des autres grâce à des produits, services ou financements bas carbone ; enfin déboucher et augmenter la taille du siphon en participant à la régénération des écosystèmes et de la séquestration de carbone. Je vais illustrer concrètement ce que cela veut dire pour une entreprise fictive qui fait de la rénovation de bâtiments. Appelons-la Éco-rénov. Pour fermer le robinet et donc réduire ses émissions, Éco-rénov doit d'abord mesurer son bilan carbone. C'est révélateur de son impact sur le changement climatique. Sur quel périmètre? Sur toute sa chaîne de valeur. C'est-à-dire des émissions directes sur site, causées par des machines au diésel jusqu'aux émissions indirectes, qui proviennent des émisions de la fabrication de matières premières. On va voir dans une prochaine vidéo qu'il s'agit des Scopes 1, 2 et 3 dans le jargon du bilan carbone. Pour aider à fermer le robinet des autres, Éco-rénov vend un service qui permet de mieux isoler énergétiquement un bâtiment, et donc de réduire l'empreinte carbone de son occupant. C'est révélateur de sa contribution à la décarbonation. Attention, Éco-rénov ne peut pas soustraire ces émissions évitées de son empreinte carbone. Cela n'a pas de sens physiquement. Enfin, pour augmenter la taille du siphon, Éco-rénov doit régénérer les écosystèmes ou développer des technologies qui capturent du CO2 de l'atmosphère. Éco-rénov peut faire ça directement, si par exemple l'entreprise possède des terrains, ou alors avec des crédits carbone en financement des projets forestiers. Éco-rénov, de par son secteur, va sans doute jouer beaucoup sur le deuxième pilier et communiquer sur l'utilité climatique de ses services. Prenons maintenant un deuxième exemple avec l'entreprise internationale de cosmétiques BeautyProduct. Cette entreprise a notamment des matières premières végétales dans ses composants. Pour le premier pilier, fermer son robinet, le problème est largement identique à Éco-rénov. L'entreprise doit mesurer et réduire toute sa dépendance aux émissions de gaz à effet de serre chez elle en amont et en aval de sa chaîne de valeur. Pour ce qui est d'aider les autres à fermer le robinet, ce n'est pas a priori les produits de BeautyProduct qui vont jouer ce rôle. L'entreprise peut cependant réduire l'impact des autres en dehors de sa chaîne de valeur grâce au crédit carbone. BeautyProduct peut aider des communautés, en France ou dans le monde, à développer des projets bas-carbone. Par exemple, pourquoi ne pas participer au financement d'une centrale solaire dans un pays d'importance pour ses approvisionnements? Enfin, pour ce qui est d'augmenter la taille du siphon, BeautyProduct pourait par exemple accompagner ses fournisseurs de matières premières à changer leurs pratiques agricoles et stocker plus de carbone dans les sols. L'entreprise pourrait aussi financer des projets Stockons le carbone par le vivant, par exemple en finançant un projet de développement de mangrove dans des géographies sans lien avec l'entreprise. Dans ce cas, on se rapproche plus du mécennat ou de la philanthropie. Chaque entreprise aura une stratégie propre pour s'aligner avec l'accord de Paris. Pour Éco-rénov, le focus était sur les émissions évitées. Pour BeautyProduct, le focus est plutôt sur les matières premières et les émissions stockées. Il peut être tentant pour une entreprise de simplement acheter des crédits carbone à bas prix pour se dédouaner d'actions plus profondes. Mais comme nous l'avons vu, c'est bien insuffisant pour contribuer à la neutralité carbone. Pour aller encore plus loin, dépendre uniquement des crédits carbone ne sera physiquement pas possible, et distrait du vrai problème qui est le robinet. Vraiment piloter sa transition énergétique sous-entend des questions stratégiques pour une entreprise. Pour BeautyProduct, dans un monde très bas-carbone, quelle place même prennent les produits cosmétiques? Se poser ce type de question permet de mieux se situer sur une trajectoire de neutralité. Voilà donc un tableau de bord avec tout ce qu'il faut considérer dans sa stratégie de décarbonation, pour s'aligner avec l'accord de Paris. Ayant répondu à la question des grands piliers à prendre en compte, il faut maintenant donner quelques détails sur comment planifier, puis mettre en œuvre cette stratégie, les objectifs et le pilotage de ces métriques carbone. La suite dans notre prochaine vidéo. [MUSIQUE] [MUSIQUE]