[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour. Dans cette séquence, je vais m'entretenir avec madame Véronique Faccenda, logopédiste ou orthophoniste spécialiste dans le domaine de la prise en charge langagière des enfants avec un trouble du spectre de l'autisme. Bonjour Véronique. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui. Peut-être, pour commencer, est-ce que tu peux nous expliquer et nous rappeler pourquoi la prise en charge en logopédie est tellement importante après la pose d'un diagnostic de TSA chez un enfant? >> Oui, Maude. Comme tu l'as mentionné, j'interviens auprès des enfants qui ont été diagnostiqués avec un trouble du spectre autistique au niveau de la prise en charge logopédique. Cette prise en charge, elle est spécifique. Dans le cadre de cette prise en charge, l'objectif, ça ne va pas être une application de techniques avisées purement correctrices, mais on va vraiment avoir à cœur de développer la communication dans son sens large, sur ses aspects verbaux et non verbaux, pour éviter au maximum l'impact négatif de la trajectoire pénalisante du TSA, qui serait une installation, voire une aggravation des troubles du comportement. Dans ce développement de la communication, on sait également que lors de la première année d'un développement neurotypique, c'est à partir de prérequis des compétences socles, que la communication va se développer. Et c'est bien à ce niveau-là que, chez les enfants avec autisme, ces prérequis ne s'installent pas ou tardent à être maîtrisés. >> Tu parles de ces prérequis qui sont tellement importants. Est-ce que tu peux juste nous préciser exactement de quoi il s'agit? >> Oui. Comme compétences socles, on parle de, je les cite : le pointage, l'imitation, le regard, le contact visuel, le tour de rôle, l'attention conjointe, et puis ensuite tout ce qui est compétences de jeux de faire semblant, de jeux symboliques. >> Ok, super. Du coup, quand un enfant t'est adressé, comment va se passer concrètement un programme d'intervention et de prise en charge avec cet enfant? >> Comme tu le dis, on va, bien sûr, avoir à cœur de développer ces prérequis s'ils ne le sont pas. On va évaluer les compétences qui sont un peu plus développées que les points faibles. Et à ce niveau-là, je vous renvoie au MOOC qui traitait de l'évaluation, dans lequel Anne-Sophie Counet, logopédiste, vous précise les batteries de tests standardisées qu'on utilise. Nous, une fois que l'enfant nous est adressé, on essaie de mettre en évidence ses compétences de communication, d'interaction en se basant sur un outil qui s'appelle le VB-MAPP, qui est à la fois un outil d'évaluation mais aussi de prise en charge, où là, on va essayer de voir en fonction des différents domaines que revêt le langage, où l'enfant se situe par rapport à un développement neurotypique. Et bien évidemment, on va essayer de mettre des micro-objectifs pour essayer d'homogénéiser et de s'approcher au plus d'un âge développemental correspondant à l'âge de l'enfant. >> Du coup, maintenant au niveau de la prise en charge, évidemment que chaque enfant va être unique avec ses spécificités qui lui sont propres, mais est-ce que tu as le sentiment qu'on peut dégager un certain nombre de profils d'enfants que tu reçois en consultations, et en fonction de ces profils, comment est-ce que tu vas travailler de manière plus particulière avec eux? >> C'est sûr qu'on ne va pas faire des catégories par rapport aux enfants, mais c'est vrai qu'on peut quand même dégager trois grands profils. Le premier, ce serait celui des enfants qui arrivent en l'absence quasi de langage oral. Là, pour ce profil, on va vraiment en priorité développer les capacités d'échange ou de communication. Et la priorité va être, pour nous, de mettre les conditions favorables à ce que l'enfant puisse demander. Parce que quand il va avoir accès à cette demande, il va pouvoir exprimer ses besoins, ses désirs. Et donc, on va faire diminuer les comportements de frustrations, les comportements inadéquats, qui ont un retentissement sur la socialisation. En cela, l'enfant va vraiment entrer dans une communication où il va comprendre les tenants et les aboutissants, et puis les interactions vont être plus riches. Ça va vraiment être un cercle vertueux parce qu'il va être plus à même d'être vers les apprentissages. >> Tu parlais de l'importance d'établir ces prérequis à la communication, mais lorsque l'installation du langage tarde ou ne se fait pas du tout, du langage oral, est-ce que dans le cadre de votre intervention en logopédie vous pouvez aussi travailler à la mise en place de moyens de communication alternatifs ou compensatoires? >> Oui. Si, comme tu dis, la production orale tarde, puisque bien sûr, on essaie au maximum que, j'ai parlé des compétences de demande, elles se fassent oralement, si ça ne se peut pas ou si ça tarde, on va avoir recours à des systèmes de communication qu'on dit alternatifs ou carrément paliatifs. Là, je cite juste le PECS qui a été introduit antérieurement dans le module sur l'intervention précoce. On va développer la description de cet outil qu'on utilise largement en logopédie. À côté de ce PECS, il y a aussi un autre système de communication quand l'enfant n'accepte pas la représentation. Puisque ça se base sur un système d'échange d'images. Si l'enfant a du mal avec la symbolique de l'image, on va plutôt avoir recours à un système qu'on appelle le Makaton, qui utilise les signes de la langue des signes française, où là, on va avoir recours plutôt aux gestes, et l'enfant va pouvoir faire également ses demandes par des gestes. Bien sûr, en face, il faut que la personne puisse aussi connaître ce système de signes. Tous ces outils vont nous permettre à la fois à ce que l'enfant entre dans la communication, fasse des demandes. Et aussi, ça va lui permettre de comprendre au mieux son environnement, et comme ça faire des progrès au niveau de sa communication et de son langage. >> Super. Du coup, quand tu reçois en consultation des enfants qui ont une communication orale qui est déjà plus fluide, à ce moment-là, qu'est-ce que tu vas travailler? Ça va être quoi tes cibles d'intervention? >> Ce sera plutôt ce deuxième profil où le langage s'est quand même développé, mais souvent, on voit qu'il s'est développé de manière atypique, avec des pôles plus ou moins développés, en tout cas donnant un profil assez hétérogène. Là, on va plutôt développer l'aspect formel du langage, à savoir la syntaxe dans son aspect expressif et réceptif, et puis le lexique pour que l'enfant puisse combiner deux mots et pouvoir avoir accès aux compétences de nommer, de décrire, de répondre à une question, de faire un petit commentaire. Et puis, bien évidemment, ça va aussi lui donner des outils qui vont faire que sa compréhension va être meilleure. On s'appuie aussi beaucoup sur des supports visuels qui vont rendre les choses plus concrètes pour l'enfant. À la fois ça peut être des petits plannings visuels, on va utiliser des pictogrammes, on va pouvoir lui signifier le début d'une activité et sa fin. Autant d'aides et de béquilles qui vont permettre à l'enfant d'anticiper, de réduire aussi son anxiété, de pouvoir rendre prévisible le déroulé de sa journée, de se rendre compte d'une unité temporelle, de rendre plus fonctionnel son environnement pour que sa socialisation au final soit meilleure. >> Et tu parlais au départ de trois profils d'enfants. Comment est-ce que tu qualifierais ce troisième et dernier profil? >> Ce serait ce profil où les enfants ont des difficultés, non pas sur le plan du langage formel mais au niveau de l'utilisation fonctionnelle de leur langage, plutôt l'aspect de la pragmatique du langage. On va leur proposer des petits groupes qu'on dit groupes d'habiletés sociales. On réunit des enfants qui présentent les mêmes difficultés, ce même profil, et on va les entraîner à comprendre ces codes sociaux, et puis, en mettant en scène des petits scenarii sociaux, les rendre plus à l'aise dans la compréhension et dans l'utilisation de cet implicite du langage et de ses codes attendus pour leur âge. >> Super. Merci beaucoup pour toutes ces informations. Un dernier point, au niveau très pratique, comment est-ce que tu travailles en séances, à quelle fréquence, et comment tu impliques les parents? >> On ne va pas redire l'intérêt de la prise en charge précoce et de son caractère intensif. On essaie au maximum de les voir deux fois par semaines, sur des séances de 45 à 60 minutes. On va vraiment travailler nos objectifs, aussi de concert avec les objectifs des différents partenaires qui gravitent autour du projet de l'enfant. Évidemment, on inclut les parents dans cette aventure. Donc, grande place est faite à la guidance parentale ou à ce partenariat qui est important, où on va vraiment tenir compte des objectifs que les parents ont à cœur de travailler. Puisque dans le quotidien, ce sont les difficultés qui vont être mises en avant. Et puis, tous les trois mois, on peut revoir ces objectifs et faire en sorte que notre intervention soit la plus écologique et la plus proche des besoins de l'enfant. >> Merci beaucoup, Véronique, pour ton intervention. >> Je t'en prie, Maude. >> Dans cette séquence, vous avez appris quels sont les points importants à retenir dans la prise en charge en orthophonie ou en logopédie pour un enfant ou un adolescent avec un trouble du spectre de l'autisme. [MUSIQUE] [MUSIQUE]